Cacus Jack sort ses colts (extrait 35)

Publié le par La Revue Moutarde

La pendule à trois pattes qu'on avait oublié de remonter ne battait plus les secondes. Le rai de lumière qui filtrait par la porte et qui avait cheminé de là à là avait fini par disparaitre. Jack avait renoncé à chiquer, s'entendre mastiquer l'irritait. Un silence pesant règnait dans la cabane. Pour ces hommes d'action l'attente était un supplice sans nom. La crosse de leurs fusils à terre, ils avaient les mains jointes sur le canon. Ils ne bougeaient pas.

La rivière passait, paisible, bercant les pieds nus de Purcell Davies. C'était un rituel auquel il se livrait avant de tuer un homme, il avait besoin de calme. Il se tenait á l'écart et prenait un peu de temps pour se retrouver, être en paix avec lui-même. L'eau d'El Coño était fraîche, elle calmait son cerveau bouillant. Il ferma les yeux et poussa un long soupir.

Dans la cabane, Emile décida de préparer la tambouille, l'attente silencieuse pesait trop sur ses nerfs. Il se leva donc et en frottant le douloureux bas de son dos se mit en route vers la cuisine.
Une fois qu'Émile eut refermé la porte derrière lui, Jack demanda à Johnny:
"-Tu comprends quelque chose toi? Je croyais que l'autre chacal en avait fait son affaire.
-Oh mais c'est exactement ce qu'il a fait répondit Johnny d'un air sombre.
-Comment ça? demanda Jack.
-Oh crois-moi tu ne veux pas savoir, et il cracha sur le sol poussièreux pour se défaire d'une mauvaise pensée.
-Tu veux dire que...commenca Jack sans pouvoir finir sa phrase, et voyant que l'autre ne pipait mot, il ajouta: "Bordel de merde.", il cracha à son tour puis retrouva le silence.

Purcell Davies astiquait son revolver.

Johnny reniflait ses haricots. Ils sentaient la sueur. Il flaira son aisselle, elle sentait les pieds, aussi lanca-t'il un regard accusateur à Jack qui venait de finir ses haricots et qui déjà soulevait une fesse pour laisser filer un pet qui, arrivant au nez de Johnny lui fit finalement retrouver l'odeur des haricots. Rasséréné, Johnny se mit à table.

Purcell Davies, les jambes tendues, penchait le tronc et du bout des doigts essayait de se toucher les bottes, prêt à partir.

Appuyés sur leurs fusils, ils étaient à l'affût. Un frisson avait parcouru l'échine de Jack. S'il ne pouvait pas l'entendre encore, il savait qu'un cheval avancait le long de la route sinueuse qui menait jusqu'à la cabane. Johnny aussi l'avait senti. Emile n'avait rien senti du tout mais il avait vu le regard que les deux hommes avaient échangé. Ne voulant pas être en reste il prit un air entendu et s'essaya même à lancer un "Yep" en tapotant la crosse de son fusil. Ils tendaient l'oreille, le bruit de pas se fit entendre, enfin, se rapprochant, un cheval récemment ferré. Il serait là dans moins de deux minutes. Dans une minute trente. Il s'arrêtait, accrochait son cheval. Dans une minute. Il vérifiait la solidité de la barrière auquel il avait attaché les rênes.Il était là. Il s'approchait de la porte de la cabane. Les hommes retinrent leur souffle, mirant l'encadrure de la porte. La porte s'ouvrit et l'air se fit plus frais, moins épais avant que la fumée des revolvers qui firent feu ne vint l'allourdir encore un peu. L'homme trois fois touché tomba sur ses genoux avant de s'étaler de tout son long, mort.

Purcell Davies examinait une dernière fois l'intérieur de son canon pour s'assurer qu'il avait fait bonne besogne. Son pouce glissa sur le chien de l'arme et se fut la dernière chose que Purcell Davies fit de sa vie. Des bouts de crâne et de cervelle colorèrent l'écorce de l'arbre sur lequel il était appuyé. Un serpent qui s'était approché renonca à l'idée de le mordre. Le chat sauvage prêt à bondir se remit sur ses quatre pattes, il ne l'attaquerait pas. Le desperado désengagea la balle du canon de son arme, à quoi bon tuer un cadavre? L'indien rangea son couteau, il ne prenait pas les scalps des hommes qu'il n'avait pas tués. Quelques coyottes que la fin avait attiré en flairant l'odeur du sang lancèrent un long cri pour annoncer le repas, comme les cloches appellent les invités au repas du seigneur. Cet homme condamné n'étant plus, la vie reprit son cours.

Après le vacarme des armes, un silence se fit. Puis un coup de feu se fit entendre dans le lointain, des coyottes chantèrent. Jack, Johnny et Émile ne désarmait pas leurs armes, attendant que la fumée se dissipe pour s'assurer que la crevure était bien crevée.

 

Auteur : Antoine H

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